Photos les dormeuses
Image Nathalie Rouvière
Les dormeuses réunissent trois artistes,
Isabelle Dufau, Laurence Saboye et Véronique Albert. Rencontrées à Aubagne* aux
côtés de Laurence Louppe qui a réalisé l’utopie d’un lieu expérimental pour une
poétique de la danse. Des enseignements, des approches historiques, mémoire des œuvres, mémoire des corps, ont ouvert sur de nouvelles pratiques
intersubjectives comme analyse critique. Une autre visée était de délivrer un
Diplôme d’Etude Supérieure en Culture Chorégraphique. Un mémoire a été soutenu
en présence d’un jury composé de représentants du Ministère de la Culture. On
attend toujours sa reconnaissance, il faudra encore y revenir.
Au delà des enseignements, des contenus
exigeants, ce qui a été développé a dépassé le champ restreint des modes de
production et de diffusion, des entreprises de limitation, pour fonder une pensée
critique. Cette dynamique nous a engagées dans une lecture parfois à contre
courant mais toujours sur la matière d’un corps de danse, son histoire, le présent.
Des lieux comme ceux de Sentiers d’Aubagne
et quelques autres permettent un travail qui garantit une grande liberté
éloignée des menaces, des dictats des pouvoirs économiques qui sans cesse
heurtent le quotidien, le devenir des artistes en danse.
La liberté du geste en danse, ses
discours, ses écrits, ses récits, ses voix nous ont souvent transportées,
déplacées. L’inquiétude de Laurence Louppe et ses espoirs quand elle évoquait
par exemple l’avenir, la suite, dans le livre Poétique de la danse contemporaine, la suite éd. Contredanse, a nourri notre
désir de faire alliance, de poursuivre, d’inventer des formes
d’activités, de remettre en chantier ce qui n’a pu être et ce qui pourrait être.
Sa disparition en 2012 a laissé un vide
considérable. Le silence sidérant entourant sa personne et son œuvre ne cesse
de nous hanter.
Dans la continuité de ces expériences très
singulières mais aussi à notre façon, nous avons imaginé un agencement pour
suspendre le temps. Les dormeuses représentent l’espoir d’une résurgence
possible de l’expérience sensible. Parmi les questions qui traversent cette
proposition il y a l’ambition de prolonger la réflexion sur la poétique de la
danse.
Quels sont les pouvoirs singuliers des
états de corps du sommeil, un de nos sujets ? C’est sans doute se retirer des
réalités consuméristes, préserver les rêves et l’expérience des désirs et
produire ce qui fait énergie, force, tension, construction esthétique,
poétique.
Les dormeuses vont chercher un ailleurs,
feindre des écarts, chercher des manières d’habiter le monde, se choisissent
des objets de travail, des genres artistiques, des complices, essayer,
tâtonner, s’interroger avec des pratiques d’écriture et tenter de faire sortir
des choses de soi (sans forcement revenir à soi ou être expert de quoique ce
soit). Avec un répertoire d’œuvres sur le sommeil dans l’art, leurs écrits,
textes et correspondances sont autant de traces de ce qui relie le réel et la
fiction, leurs sujets de prédilection et des gestes qui s’inventent pour
mesurer les qualités qui font mouvement.
Les dormeuses ont des ami e s, elles ils
(….) font leurs entrées à chaque séminaire, prennent place dans ce qui
s’invente, contribuent à l’expérience. D’autres moments plus ouverts encore
font l’objet d’un temps de recherche, d’élaboration et sont destinés à la
rencontre dans un cadre culturel en direction de spectateurs.
Pour elles la danse n’est pas seulement là
pour instruire ou reproduire le monde, nourrir la critique du jour et
l’économie de la culture, mais inventer d’autres modes de faire, de vivre son
corps de danse, imaginer des déplacements qui font liens en favorisant de
nouveaux désirs, des joies de vivre, des reconfigurations pour un vivre
ensemble.
A suivre.
Pour les dormeuses
Véronique Albert
* Aubagne : Laurence Louppe avait rassemblé entre 2000 et 2006 des danseurs : artistes, chorégraphes, enseignants, chercheurs, au Cefedem Sud d'Aubagne pour suivre un enseignement approfondi en culture chorégraphique associant pratique et théorie.